Projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement

Tribune libre de Eric Vialatel, fondateur des Maisons de Marianne

Publié le 23 juin 2014

Le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement a été adopté au Conseil des ministres le 3 juin dernier, pour une adoption au Parlement d'ici fin 2014 et une entrée en vigueur en 2015. Suite au remaniement du gouvernement, c'est Laurence Rossignol, la nouvelle secrétaire d'Etat chargée des Personnes âgées et de l'Autonomie et successeur de Michèle Delaunay, qui a eu en charge de défendre le dossier. Parmi les grands principes du projet, il est question notamment d'anticiper et d'accompagner la perte d'autonomie. Quels changements et quelles conséquences sont à attendre pour les personnes âgées et les structures d'accueil ?

En 2060, une personne sur trois aura plus de 60 ans1. Ce constat démographique permet de croire légitimement que l'insertion des personnes âgées dans la collectivité est primordiale. Parmi les enjeux majeurs de l'intégration des seniors, la question du logement figure en bonne position, sachant que la très grande majorité de nos aînés souhaite rester à domicile le plus longtemps possible. Accueillir cette population, dont la retraite moyenne se situe à 1 256 € mensuels, dans une structure adaptée à leur perte d'autonomie et à leur porte-monnaie constitue l'un des challenges majeurs du projet de loi.

1 Projections de population à l'horizon 2060 par l'INSEE

2 Etude Ipsos pour le compte du Groupe Domitys

L'encadrement de la tarification des EHPAD, une réponse insuffisante à la préservation du pouvoir d'achat des seniors

94% des personnes âgées jugent le prix des résidences seniors trop cher. Elles sont d'ailleurs 79 % à estimer excessif un tarif mensuel dépassant 1 500 € par personne2.

Les mesures du gouvernement pour encadrer la régulation des tarifs en EHPAD se heurtent par contre à un double problème. D'une part, les besoins d'équipements et de services des EHPAD souffrent d'un contexte économique tendu, imposant ainsi des tarifs élevés. D'autre part, les opérations immobilières sont trop coûteuses et réduites en termes d'implantation. Certains départements sont ainsi en-dessous des plans d'implantation des EHPAD, prévoyant 100 à 200 places annuelles.

L'insuffisance de personnel et les contraintes légales (autorisations administratives d'implantation) et financières (limites budgétaires fixées par les pouvoirs publics) pèsent fortement sur le système des EHPAD, qui est incapable de répondre à lui seul aux défis du vieillissement de la population. Dans ce contexte, le logement social représente une solution satisfaisante : la réalisation d'opérations immobilières à caractère social destinées aux seniors permet de réduire les charges foncières, de bénéficier de modalités de financement avantageuses, et ainsi d'impacter cette réduction de coût sur la tarification du logement

Le développement de l'offre de logements intermédiaires comme alternative aux maisons de retraites

L'offre actuelle de logements destinés aux personnes âgées montre que les seniors n'ont aujourd'hui le choix qu'entre trois types d'habitat : le logement traditionnel, souvent inadapté à la perte d'autonomie et à sa détection, les résidences de type EHPAD souvent onéreuses pour les résidents et les collectivités, et les résidences-services dont les tarifs varient entre 1 500 et 5 000 € par mois pour les plus haut-de-gamme. Avec une retraite mensuelle équivalente au Smic que reste-il comme solutions pour nos aînés ? Dans les faits, ce sont les « aidants » qui prennent le plus souvent en charge ce différentiel de prix.

Le risque inhérent à ce phénomène est la création de « ghettos » entre les plus aisés et les plus modestes, rendant impossible la mixité sociale, et par la même, le maintien du lien social. Ce brassage de population doit également s'effectuer en terme de génération. En effet, les structures médicalisées, ainsi que les résidences-services, accueillent de facto une population 100% senior, alors que la réussite de l'intégration des personnes âgées dans la société réside à contrario dans la cohabitation intergénérationnelle.

D'où l'intérêt de proposer une nouvelle possibilité destinée aux seniors, alliant offre de services, préservation du lien social, mixité générationnelle et bâti de qualité.D'après le projet de loi, les logements intermédiaires ou « résidences autonomie » doivent désormais constituer cette alternative aux maisons de retraite médicalisées quand l'âgé est plus autonome que dépendant. La loi entend donc donner un nouveau souffle aux logements intermédiaires grâce à la création d'un « forfait autonomie », qui permettra de financer leurs actions de prévention.

L'effort majeur doit se concentrer sur le maintien à domicile des personnes âgées

Le projet de loi entend favoriser le maintien à domicile des seniors, notamment à travers la revalorisation de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie, l'adaptation des logements et l'aide au répit pour soulager financièrement l'entourage.

La question de l'habitat est sur ce point central pour les personnes âgées car nombre d'entre elles souhaitent vieillir à domicile.De plus, il existe un lien étroit entre habitat et autonomie, car l'environnement matériel est facteur d'accélération du vieillissement quand il est inadapté.

Le projet de loi pour l'adaptation de la société au vieillissement témoigne d'une meilleure attention aux problèmes spécifiques des seniors et des familles, mais ne constitue pas une véritable révolution en soi. Les contraintes budgétaires actuelles ne permettront qu'une amélioration. D'autant que la responsabilité de tous doit être engagée car l'Etat n'est pas seul dignitaire de la prise en charge des personnes âgées : la responsabilité de la société civile doit également s'emparer du problème, notamment sur le plan local.