Question préalable :
Une question préalable est importante pour la suite de mon intervention. Pourriez-vous m'indiquer l'étendue de votre mission ? En effet, la presse s'est fait l'écho de positions contradictoires. Alors que la lettre de mission du 1er ministre évoque notamment « les circonstances précises dans lesquelles l'apaisement des souffrances peut conduite à abréger la vie dans le respect de l'autonomie de la personne », M. Leonetti affirme que cette mission ne traiterait ni de l'euthanasie ni du suicide assisté, et M. Claeys assurant que rien n'était tabou ?
Je développerai ces trois points au cours de cette audition.
-La fin de vie n'est pas une affaire médicale, mais bien citoyenne, -La loi d'avril 2005 n'est pas une loi sur les droits des patients, -La loi que nous voulons : accès universel aux soins palliatifs, légalisation de
l'euthanasie et du suicide assisté, opposabilité des directives anticipées.
1) La question de la fin de vie n'est pas une affaire médicale mais bien citoyenne.
Comme pour l'avortement ou la PMA, il est nécessaire d'avoir un soignant pour faire l'acte, mais ces questions sont d'abord d'ordre citoyen et éthique. Contrairement à la question de l'euthanasie, elles n'ont pas été confisquées par quelques mandarins ou pseudos experts qui en font leur fonds de commerce depuis 30 ans, sans écouter les Français.
La mobilisation dans les réunions de l'ADMD et l'explosion des adhésions dans notre association démontrent que les Français veulent rester citoyens jusqu'au bout.
Cette affaire concerne 100% des Français et je reste étonné que les missions menées le soient surtout auprès de mandarins (Déjà 24 professionnels de santé auditionnés par cette mission sur 32 personnes hors religieux ! Combien de malades ?)
Les Français comprennent les enjeux de cette question comme l'a démontré le jury citoyen créé par le CCNE. Chaque Français est expert de sa propre fin de vie. Comme par hasard, leurs conclusions ne sont prises en compte par aucune autorité.
2) La Loi d'avril 2005.
L'ADMD a joué son rôle pour la faire connaitre. Nous sommes les seuls à avoir faire un document grand public alors que nous n'avons aucune subvention de l'Etat.
-Mais cette loi est une loi faite pour les médecins. J'ai subi bien des quolibets en le disant depuis des années. Aujourd'hui, le Pr Ameisen le dit lui-même :
« La loi Leonetti de 2005 est une loi sur les devoirs des médecins, pas sur les droits
des patients. » (La Croix du 24 octobre 2014). Ces affirmations sont confirmées par les sondages. Seuls 19% des Français pensent que la loi de 2005 permet le respect de la volonté du mourant. (Ifop/Le Pèlerin - septembre 2012)
-La loi de 2005 consacre essentiellement des principes qui étaient contenus dans la loi Kouchner de 2002 : refus du soin, directives anticipées, refus de l'acharnement thérapeutique.
-La loi de 2005 renforce le pouvoir médical au détriment du patient : la procédure collégiale vaut décision du patient, ses directives n'étant qu'un élément de la décision ; l'obstination déraisonnable est évaluée par le seul médecin ; la fin des traitements dans un délai raisonnable, ce délai étant évalué par le seul médecin ; les directives anticipées et la personne de confiance ne sont pas décisionnelles.
-La sédation qu'elle prévoit (décret du 20 janvier 2010) s'est souvent retournée contre le patient avec des agonies durant des jours. Et peut paraître hypocrite. M. Leonetti dit lui-même « Une sédation terminale, qui, c'est vrai, est à la limite de l'euthanasie » (Le Figaro - 5 octobre 2012). Certaines sédations sont aussi terribles car le patient est réveillé chaque jour. Et celle de Vincent Lambert avait déjà duré 31 jours avant qu'elle en prenne fin suite à l'intervention de sa mère.
-Prendre le prétexte que cette loi n'est pas connue pour seulement l'améliorer est absurde. C'est la loi dont on a le plus parlé depuis 10 ans. Comme le dit le Sénat, une loi pas connue, ni appliquée au bout de 10 ans est une mauvaise loi. D'ailleurs, au Benelux, les lois sur l'euthanasie se sont appliquées immédiatement. Et cette loi a déjà été réévaluée en 2008 sans que cela n'améliore la situation.
-Au final, cette loi s'est retournée contre le mourants : l'amélioration des soins palliatifs est marginale ; l'acharnement continue (50% de chimios dans les 15 derniers jours) ; les euthanasies illégales se multiplient (0,8% des morts selon l'Ined).
3) Nous voulons une loi qui repose sur ses deux jambes.
Une loi qui permet l'accès universel aux soins palliatifs d'une part et, d'autre part, la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté et l'opposabilité des directives anticipées.
a) Les soins palliatifs
C'était le grand progrès annoncé ces dix dernières années. Le bilan est bien maigre à côté de la diarrhée de promesses faites à ce sujet.
-Le Pr Ameisen a reconnu dans le dernier rapport du CCNE que 80% des Français en situation de fin de vie ne pouvaient accéder aux soins palliatifs, les mêmes chiffres que les missions faites depuis 10 ans par la Cour des Compte ou l'IGAS. Même le très anti-euthanasie Observatoire sur les fins de vie reconnait ce que je dis depuis longtemps, c'est-à-dire que les lits identifiés en soins palliatifs ne sont souvent que des inscriptions budgétaires.
70% des lits de soins palliatifs sont concentrés dans 5 régions françaises.
(Vincent Morel dans La Croix - du 5 octobre 2012)
-Les soins palliatifs ne résolvent pas toutes les situations. Quel intérêt pour des patients comme Vincent Humbert ou les personnes qui ont des douleurs réfractaires ? D'ailleurs, 61% des patients en soins palliatifs qui demandent l'euthanasie persistent dans leur demande. (Enquête 2010/2011 du Dr Ferrand aures de 789 équipes de soins palliatifs). Aux Pays-Bas, 3% des morts le sont par euthanasie et 2% en Belgique.
-Enfin, on est passé depuis la loi de 2005, dans un discours moralisant inacceptable. Après avoir prôné l'acharnement thérapeutique, les mêmes prônent désormais l'acharnement palliatif. Toute personne qui refuse d'y aller est montrée du doigt. Rappelez-vous Chantal Sébire. C'est inacceptable !
b) Une loi légalisant l'euthanasie et le suicide assisté comme aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg.
-La loi que nous souhaitons s'adresse aux patients en situation d'impasse thérapeutique, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable ou se trouvant dans un état de dépendance incompatible avec leur dignité et qui en expriment leur volonté. Elle est demandée par 96% des Français selon le dernier sondage de l'IFOP. Ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de consensus chez les Français mentent ou les prennent pour des imbéciles.
-Cette loi évite les dérives graves que nous connaissons en France car elle protège le mourant. A une époque des médecins « arrêtaient des respirateurs pour libérer des lits ; « (Leonetti - Le Point - 27 mars 2008). Aujourd'hui, 0,8% des morts en France le sont par euthanasie alors que c'est illégal !
-Pire, seuls 0,2% des morts par injection létale le sont à la demande du patient soit 1142 sur 4568 morts par injection d'un produit létal. 3426 personnes (0,6% des morts) sont aidées sans avoir rien demandé ! (Ined - décembre 2012) Et on ose nous parler de dérives en Belgique !
-Cette loi rassure et surtout évite les suicides prématurés et violents des grands malades et des personnes âgées. La France a le plus fort taux de suicide de la zone OCDE avec la Corée du Sud et le Japon. 29% des suicides chez les plus de 70 ans contre 5% chez les moins de 25 ans. (Cepidic -INSERM - 2010). 52,5% des suicides ont lieu par pendaison !
c) Des directives anticipées opposables.
-Les directives doivent être opposables et l'avis de la personne de confiance primer sur tout autre dès qu'il est fidèle à la directive.
-Elles doivent être valables indéfiniment tout en étant révocables à tout moment.
-Il faut un fichier national des directives anticipées et qu'elles soient inscrites sur la carte vitale.
4) Conclusions
Nous voulons une loi républicaine qui respecte les consciences. Elle repose sur notre triptyque républicain.
Liberté de celui qui veut mourir le plus tard possible : il n'est pas respecté aujourd'hui. Liberté totale de conscience du médecin, avec une clause de conscience comme pour l'IVG. Liberté de celui qui veut en finir car aucun principe n'oblige à mourir le plus tard possible et dans la souffrance ?
Egalité de tous.
Si vous avez de l'argent, vous pouvez aller à l'étranger. Si vous avez des relations vous pouvez trouver le médicament
Fraternité et solidarité pour tous car on ne peut soulager toutes les douleurs et toutes les souffrances psychiques.
Ce n'est pas une loi sur l'euthanasie que nous voulons mais une loi de respect total de la volonté du mourant. Bref une loi d'Ultime Liberté.
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