Saisi par les ministres des Solidarités et de la Santé et de l'Action et des comptes publics, le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) s'est réuni en séance exceptionnelle ce mardi 26 mai pour se prononcer sur deux projets de lois organiques et ordinaires relatifs à la dette sociale, avant leur examen en conseil des ministres. Ces textes présentent un intérêt « historique » pour la Caisse dédiée au financement de la perte d'autonomie, comme souligné conjointement par Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé et Sophie Cluzel, secrétaire d'état chargée des Personnes handicapées, présents en séance. Ils prévoient en effet, d'une part, d'augmenter à partir de 2024 le financement de la prise en charge de la perte d'autonomie par l'affectation de 2,3 milliards d'euros de CSG (0,15 points) à la CNSA et, d'autre part, jettent les bases de la création d'un nouveau risque ou une nouvelle branche de la Sécurité sociale, que doit préfigurer un rapport du gouvernement au Parlement d'ici au 30 septembre.
Le Conseil de la CNSA qui s'est prononcé à une courte majorité en faveur de ces textes, s'est félicité de la perspective de ressources complémentaires pour l'amélioration du quotidien des personnes et a pris acte de la perspective de création d'une cinquième branche de Sécurité sociale. Un grand nombre de ses membres s'est toutefois abstenu sur ces projets, au regard de diverses réserves ou incertitudes exprimées dans une motion (docx, 134 ko) adoptée à l'unanimité des votants. Elle pointe notamment le niveau sensiblement plus élevé des besoins de financement global des politiques de l'autonomie, qui appelle un débat approfondi, ainsi que l'urgence de ressources complémentaires dans un contexte de tensions encore accrues par la crise sanitaire Covid-19.
Le Conseil, qui a posé dans plusieurs contributions les principes devant guider la mise en œuvre d'une loi autonomie [1] a d'ores et déjà fait part aux ministres de sa pleine mobilisation pour contribuer aux concertations engagées (Ségur de la santé) ou à venir, pour la préparation du rapport sur « les conditions de création d'un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatif à la perte d'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ».
Le Conseil poursuivra ses travaux lors d'un séminaire exceptionnel le 5 juin prochain intitulé : « Les politiques de l'autonomie à l'épreuve de la crise Covid-19 ».
Les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ont payé un lourd tribut à la crise Covid-19. Cette dure réalité nous rappelle qu’elles sont plus exposées aux risques contemporains. Comme après la crise de 2003, nous sommes appelés à nous mobiliser pour renforcer notre système de protection sociale et soutenir l’urgence d’une grande loi autonomie disposant la convergence des politiques de l’âge et du handicap.
L’affirmation du principe de l’égalité des chances, du droit à compensation, de l’accessibilité universelle, doivent fonder cette réforme pour garantir la pleine citoyenneté de nos concitoyens quel que soit leur âge, leur situation de handicap ou de santé.
Le conseil rappelle que les besoins de financement de nos politiques pour l’autonomie mobilisent des parties prenantes qui ne dépendent pas de la responsabilité directe de l’État. Nos politiques pour l’autonomie soutiennent et mobilisent d’autres politiques. Elles appellent en ce sens un élargissement du périmètre traditionnel de la protection sociale et une transversalité? des réponses.
Une grande loi autonomie devra en conséquence définir un effort de financement dont le rapport Libault, le HCFEA et le conseil de la CNSA ont évalué le niveau et qu’il conviendra de mobiliser par les dispositions d’une loi de programmation dédiée, en complément de l’ONDAM et de l’OGD.
Le conseil de la CNSA a été saisi pour avis des projets de loi organique et de loi simple relatifs à la dette sociale et portant transfert de cette dette à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale.
Les deux projets de loi comportent diverses dispositions sur lesquelles les parties prenantes du conseil de la CNSA fondent leur avis selon 4 axes :
1 – Une dette de trésorerie de la sécurité sociale s’est constituée à date (avant covid et post covid) et nécessite de transférer cette dette à la CADES – dette de trésorerie et dette future 2020-2023 ;
2 - Les mécanismes d’ajustement des recettes attribuées à la CADES et l’horizon de l’extinction de la dette nouvellement constituée, sont précisés ;
3 - La mise en œuvre d’un mécanisme est instauré : il dispose l’affectation de 0,15 pts de CSG à la CNSA en 2024, date à laquelle la soulte annuelle du FRR cessera d’être versée à la CADES du fait de l’extinction de la dette du régime général d’assurance vieillesse ;
4 - Un rapport sera remis au plus tard le 30 septembre 2020 par le Gouvernement au parlement, sur « les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatif à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées » et d’envisager un pilotage financier spécifique au sein de la LFSS.
L’exposé des motifs du projet de loi simple présente ainsi les intentions du Gouvernement de mettre en œuvre un risque – branche relatif à la perte d’autonomie en prévoyant des dispositions financières de solvabilisation grâce aux modalités spécifiques du transfert de dette prévues par les deux PJL. Il souligne en outre le rôle des différents « nombreux » financeurs de la politique de l’autonomie aux côtés de la sécurité sociale.
Pour chacun de ces axes et pour ce qui concerne l’expression de la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre le 5ème risque de protection sociale, les parties prenantes réunies au conseil de la CNSA expriment les observations suivantes :
Axe 1 : Si les parties prenantes ne peuvent qu’adhérer au principe organique qu’une dette de trésorerie ne peut être conservée dans les livres de l’ACOSS dès lors que son montant dépasse le niveau habituel des besoins de trésorerie de la sécurité sociale, ou dès lors qu’elle implique un horizon d’apurement excédant un exercice budgétaire annuel ; elles s’interrogent sur le choix de la CADES comme structure de défaisance de cette dette qui selon elles n’est pas une pure dette sociale.
En effet, la dette de trésorerie constatée à date n’est pas une production exclusivement endogène au système de sécurité sociale. Elle s’est constituée du fait d’une pandémie, qui a conduit l’État à prendre des dispositions exceptionnelles définies par « l’État d’urgence sanitaire » au sens de la LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020.
Un véhicule ad hoc tel un « Fonds covid-19 » dédié aurait pu être retenu dont les modalités n’auraient pas pesé sur les ressources de financement de la sécurité sociale et aurait permis de conserver une plus grande marge de manœuvre pour le renforcement du financement des politiques de l’autonomie.
Axe 2 : Le conseil approuve le principe, sans augmentation du niveau actuel des prélèvements obligatoires, d’un maintien des recettes existantes de la CADES, mais ne peut évidemment que regretter que l’horizon de l’apurement définitif de la dette sociale s’éloigne une nouvelle fois jusqu’au 31 décembre 2033, après un premier recul de 2021 à 2024 conformément aux dispositions de la LFSS pour 2019[1].
Les parties prenantes prennent acte du choix du gouvernement de procéder à une large opération de transfert de dette de 136Mds€. Elles notent que la constitution d’une provision pour dette permettra de couvrir les efforts en faveur de l’investissement dans les établissements publics de santé à hauteur d’un montant maximum de 13 milliards d’euros, dont le principe est prévu à l’article 1er du PJL simple.
Les parties prenantes du conseil regrettent que le fléchage de cette provision pour dette vers les seuls établissements publics de santé à des fins d’apurement de la dette d’investissement de l’hôpital, exclue de fait les établissements médico-sociaux qui auraient pu bénéficier, tout particulièrement dans le cadre de la crise Covid-19, d’une même décision volontariste,
Axe 3 : Malgré la complexité du mécanisme de swap d’une ressource par une autre, les parties prenantes se félicitent de cette disposition qui confère une ressource estimée à date à 2,3 Mds€ aux politiques de l’autonomie.
Elles soulignent également que la date prévue pour l’affectation à la CNSA des 0,15 pts de CSG étant fixée à 2024, cette échéance est incompatible avec l’urgence de la mise en œuvre d’une grande loi autonomie, rendue d’autant plus nécessaire que les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ont été durement touchées par la crise sanitaire Covid-19, dans un contexte d’inégalité des chances, malgré la mobilisation des professionnels qui les accompagnent en établissement et à domicile et malgré un véritable élan de solidarité.
Les parties prenantes rappellent l’origine de la création de la CNSA au lendemain de la canicule de 2003 et insistent sur la volonté du législateur de 2004 de garantir l’affectation des ressources dédiées aux politiques de l’autonomie par une gouvernance associant les personnes, les professionnels, les organisations syndicales, les territoires et les fédérations. Pour cette raison, les parties prenantes expriment avec force la nécessité d’une affectation urgente de la fraction de 0,15 points de CSG à la CNSA et ce, dès 2021.
Enfin, elles indiquent avec force que le produit de la fraction des 0,15 points de CSG - soit 2,3 Mds€ - représente un quart du besoin de financement du risque tel qu’il a été évalué dans les différentes contributions (Rapport Libault et HCFEA). Le besoin de financement global du 5ème risque appelle un débat approfondi auquel le conseil de la CNSA prendra toute sa part. Ce point sera à l’ordre du jour du séminaire exceptionnel du conseil les 2 et 5 juin prochains : « Les politiques de l’autonomie à l’épreuve de la crise Cocvid-19 ».
Axe 4 :
Concernant le rapport que le Gouvernement remettra au parlement au plus tard le 30 septembre 2020 sur « les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatif à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et sur le pilotage financier au sein de la LFSS, les parties prenantes du conseil rappellent une nouvelle fois l’esprit des textes qui fondent la CNSA. Elles confirment leur position constante sur les politiques de l’autonomie et se réfèrent aux chapitres prospectifs portant Société inclusive[2] et Approche domiciliaire[3], à sa contribution pour l’autonomie et le grand âge[4] portée dans le cadre des travaux de Dominique Libault.
Concernant le pilotage financier de la politique de l’autonomie dans le cadre de la LFSS, Les parties prenantes insistent sur les dispositions visant à la suppression des sous ONDAM médico-sociaux qui seraient remplacés par une annexe spécifique consacrée aux dépenses liées à la prise en charge de la perte d’autonomie. Si elles peuvent se féliciter du périmètre large de cette annexe qui serait étendue à la dépense nationale consacrée à la prise en charge de la perte d’autonomie, elles seront vigilantes à ce que les cloisonnements personnes âgées, personnes en situation de handicap n’y soient pas maintenus.
Enfin les parties prenantes rappellent les contributions de la cellule d’urgence du conseil pendant la période de crise[5].
Elles soulignent les principes essentiels qui doivent guider la mise en œuvre d’une grande loi autonomie :
Conseil exceptionnel du 26 mai 2020
[1] • Reprise de 15 milliards d’euros par la CADES entre 2020 et 2022
[2] Chapitre prospectif 2018 : « Vers une société inclusive, ouverte à tous »
[3] Chapitre prospectif 2019 : « chez-soi, l’approche domiciliaire »
[4] Orientations du conseil pour l’autonomie et le grand âge, avril 2019
[5] Communication d’urgence n°1 « Le confinement domiciliaire dans l’état d’urgence sanitaire : tenir », mars 2020
Communication d’urgence n°2 : « Feuille de route type », mars 2020
Communication d’urgence n°3 (éthique) : « Le dé-confinement domiciliaire : réussir », avril 2020
Communiqué de presse de la cellule de crise du conseil, « pour une attribution juste et sans délai de la prime à tous les professionnels de l’autonomie », 8 mai 2020
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