L'élection présidentielle est le moment privilégié pour apporter des réponses aux attentes et interrogations des Français. En tête de leurs préoccupations : les questions de santé. Pourtant, cette année encore, la santé est la grande oubliée des programmes électoraux. Privilégiant la sécurité et l'emploi, les candidats négligent à tort le rôle majeur qu'elle joue dans ces deux champs et sous-estiment ses enjeux qui impactent considérablement la vie quotidienne des citoyens et la situation économique de notre pays : démographie médicale, accès aux soins, financement, etc.
Pour que la santé retrouve toute sa place au sein des débats, une union exceptionnelle en France s'est officiellement constituée le 19 octobre 2016 : le Collectif Santé 2017. Porteurs de préoccupations et constats partagés entre patients et professionnels du secteur, 12 acteurs majeurs de la santé ont décidé, au-delà de leurs spécificités, d'unir leurs voix afin d'interpeller les candidats à la présidence de la République. Conçu pour alerter l'opinion publique sur l'importance de faire de la santé un véritable pivot du débat politique, ce rassemblement historique est un signal fort à l'attention des candidats : leur engagement doit être à la mesure de cette mobilisation unique et des besoins des Français qui - faut-il le rappeler - sont très attachés à leur système de santé solidaire.
Point d'orgue de cette mobilisation : le manifeste du Collectif Santé 2017 intitulé « Faisons de la santé un enjeu démocratique ». Ce manifeste expose 7 demandes d'engagements qui seront adressées à tous les candidats. Objectif : obtenir qu'ils explicitent leurs convictions en matière de santé, et qu'ils se positionnent clairement sur les grands enjeux de notre système de soins.
Outre le fait de placer la santé au cœur de la campagne présidentielle, le Collectif Santé 2017 a pour objectif de sensibiliser l'ensemble des Français à l'importance de prendre en compte les propositions des candidats en matière de santé avant de déposer leur bulletin de vote dans l'urne. Chacun est invité à apporter son soutien au Collectif Santé 2017 sur le site www.collectifsante2017.fr et sur les réseaux sociaux via le hashtag #CollectifSante2017.
À l'heure actuelle, le Collectif Santé 2017 regroupe 4 catégories d'acteurs de santé : les patients et les usagers, les professionnels de santé (médecins, pharmaciens), le secteur hospitalier et médico-social et les industriels.
Ce collectif a vocation à travailler dans la durée et à s'ouvrir à toutes les sensibilités. En effet, il entend recenser toutes les promesses qui seront formulées par les candidats et participer à leur visibilité afin de permettre à chacun, notamment aux différents signataires du manifeste, de les analyser, commenter et critiquer à l'aune de ses propres positions et réflexions. Composé de 12 membres fondateurs, le Collectif est ouvert aux associations, fédérations, et syndicats qui souhaitent s'associer à la démarche.
Nos organisations se rencontrent très souvent, de manière plus ou moins informelle, et les occasions d'échanger ne manquent pas. L'idée de ce collectif a germé, et il est vrai que des organisations membres du collectif ont pu jouer un rôle plus moteur que d'autres. Mais il n'y a aucune revendication de paternité de quiconque, et aucun leadership.
L'essentiel est que le constat sur lequel se fonde notre collectif a été spontanément partagé par chacun de nous. Pourquoi avoir décidé de constituer ce Collectif ?
La santé est un sujet majeur, qui n'est jamais - ou très rarement - évoqué dans le débat politique. Or, nous avons le sentiment d'être aujourd'hui à un tournant, avec des modèles politiques, économiques, organisationnels, proches de l'épuisement. Nous sommes tous conscients qu'il faut arrêter de réfléchir en silos, et qu'il faut, sur des sujets aussi importants que l'avenir de la santé, savoir sortir des problématiques sectorielles pour porter un message commun. Les Français ont le droit de savoir ce que préparent - ou ne préparent pas ! - leurs dirigeants politiques en matière de santé.
Le Collectif a-t-il un statut juridique (association loi 1901)?
Notre collectif n'est pas une intersyndicale, il n'est pas une fédération qui serait porteuse d'intérêts sectoriels ou professionnels communs. Il est une instance exceptionnelle d'interpellation, et nous avons voulu conserver à cette démarche toute sa spontanéité.
Comment est financé ce collectif ? Quelle répartition entre les signataires ? N'est-ce pas une action de lobbying pour les industriels ? Pour les syndicats présents (pharmaciens et médecins) ?
Cela fait partie des principes essentiels de ce mouvement : chacun contribue à part égale, ou dans la mesure de ses capacités, au financement de nos actions. Les cyniques diront peut-être que le Collectif Santé 2017 est une démarche de lobbying de telle ou telle organisation, que ce rassemblement est « trop beau pour être honnête ». Nous les laissons à ces jugements. Faire vivre un message collectif est une entreprise difficile, exigeante, ambitieuse, qui oblige chacun de nous à mettre provisoirement de côté ses revendications propres : nous sommes tous convaincus que cette démarche est nécessaire, et nous sommes fiers d'y être parvenus.
Les signataires ont de nombreuses divergences, ce manifeste ne risque-t-il pas d'être une coquille vide vous rassemblant uniquement sur le plus petit dénominateur commun et non autour de mesures très concrètes ?
Tout l'enjeu de notre démarche a d'abord consisté à dégager des principes assez spécifiques pour engager le politique, tout en étant assez généraux pour ne pas risquer la division du collectif. Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous y sommes parvenus sans trop de mal. Une élection présidentielle, c'est l'occasion de mettre sur la table les grands principes de société sur lesquels nous voulons engager le pays. Et sur ces grands principes, les Français ont le droit d'être éclairés !
Certains signataires manquent à l'appel, et sont pourtant des acteurs importants de la santé : les chirurgiens-dentistes, les infirmiers, les Ordres professionnels, etc. pourquoi ?
Le Collectif Santé 2017 s'est agrégé autour d'un noyau dur d'une douzaine d'organisations professionnelles ou associatives. Il n'a pas été matériellement possible d'inclure dans la réflexion l'ensemble des acteurs, car nous étions en mode projet. Mais le mouvement est ouvert, et nous serions heureux d'accueillir les professions et secteurs légitimes dans le champ de la santé et qui se reconnaîtraient dans nos principes.
L'hospitalisation publique n'est pas représentée au sein du collectif : pourquoi ?
L'hospitalisation publique a été sensible à notre démarche, et nous avons partagé avec ses représentants une partie de la réflexion. Pour des raisons qui lui appartiennent, elle n'a pas choisi pour le moment de prendre une part active à ce mouvement, ce qu'évidemment nous regrettons. Mais nous sommes convaincus que les principes que nous défendons sont naturellement en phase avec les constats et les préoccupations des acteurs de l'hospitalisation publique.
On remarque l'absence des mutuelles (payeurs) au sein du Collectif, comment expliquez-vous cela ? Ont-ils refusé de répondre à l'appel ou n'ont-ils tout simplement pas été approchés ?
La famille des payeurs joue un rôle évidemment très important dans la détermination des politiques de santé. Mais dans la mesure où il était difficilement envisageable de proposer le principe de cette démarche d'interpellation à l'AMO (Assurance Maladie Obligatoire), nous ne pouvions pas davantage, pour des raisons de « symétrie de forme » le proposer non plus à l'AMC (Assurance Maladie Complémentaire). Cela ne nous empêche pas d'accueillir avec beaucoup de respect et d'intérêt le point de vue des payeurs dans le débat.
Le Collectif survivra-t-il à la présidentielle ?
Après la présidentielle viendront les Législatives, et nous savons que la mise en œuvre du programme du président nouvellement élu dépendra beaucoup du travail législatif. Nous saurons donc nous rappeler au souvenir des partis politiques lorsque viendra le temps de la campagne législative et le démarrage d'une nouvelle mandature.
Pourrez-vous travailler main dans la main dans la durée ? Comment cela va-t-il se concrétiser (études, sondages, autre manifeste, etc.) ?
Les moyens financiers de notre collectif sont limités, et chacun de nous a aussi à défendre les revendications spécifiques à ses métiers, à ses publics et à ses missions. Mais nous avons le désir, autant que possible, de rester mobilisés sur nos principes communs. Comment ? Il est trop tôt pour le dire.
A quels candidats le manifeste sera-t-il envoyé ?
Ce manifeste est envoyé à l'ensemble des candidats, qu'il s'agisse des candidats à des primaires ou des candidats directs à la magistrature suprême. Il est naturel que chacun d'entre eux, quoi qu'on pense de ses idées, soit interpellé.
Le Collectif est-il à même d'aider les candidats à construire ce projet d'envergure que vous souhaitez ?
Nous croyons à la démocratie sanitaire, à l'intelligence du terrain, et nous sommes évidemment tous partisans, individuellement ou ensemble, de contribuer à changer le système. Cessons de voir les patients, les professionnels, les acteurs de terrain, comme des centrales de revendication. La revendication est noble, elle est légitime, mais nous sommes aussi des acteurs de la transformation.
Les programmes des candidats sont traditionnellement centrés sur la sécurité et l'emploi, comment comptez-vous les persuader de donner une place de choix à la santé ?
Chacun de nous est convaincu de l'importance de ces thématiques que sont la sécurité et l'emploi. Mais cette campagne présidentielle ne consiste pas à désigner un président de l'Emploi ou un président de la Sécurité. Elle consiste à élire celui ou celle qui conduira la politique du pays dans toutes ses dimensions. Or la santé, sujet intime par excellence, est aussi un sujet éminemment collectif.
Vous dites qu'il faut de l'ambition, de la volonté, de la cohérence pour libérer l'énergie créatrice des acteurs, que reprochez-vous aux politiques passées en matière de santé qu'elles soient de gauche comme de droite ?
La politique du rabot conduite, ces dernières années, au travers des lois de financement de la Sécurité sociale, a fragilisé tous les acteurs de la santé et compromis la capacité du système à engager sa mutation. L'enfermement de la décision politique dans l'annualité des lois de financement finit par désespérer l'ensemble des acteurs de la santé, sans atteindre de manière décisive l'objectif recherché de retour à l'équilibre des comptes sociaux. C'est cette vision court-termiste, souvent nimbée de considérations excessivement techniques, que nous voulons bousculer pour « reprendre de la hauteur ».
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