Pour une Préparation des Doses à Administrer (PDA) maîtrisée et sécurisée en EHPAD : 4 recommandations pour encadrer la PDA en vue d'un décret
Constat : un risque accru de iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées
Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 18,4% de la population. En 2060, 1 personne sur 3 devrait avoir plus de 60 ans.
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS) « les sujets de 65 ans et plus consomment en moyenne 3,9 médicaments différents en une journée.
Ce chiffre s'élève à 4,4 pour les sujets âgés de 80 ans et plus ». Cette polymédication entraîne des interactions médicamenteuses, augmentant ainsi le risque iatrogène pour l'ensemble des personnes suivies et particulièrement pour celles qui résident en EHPAD et suivent un traitement par PDA.
Or, en l'absence d'un cadre juridique rigoureux, une PDA artisanale se développe au détriment de la sécurité nécessaire.
Aujourd'hui, seules 20 % des officines - sur les 22 000 que compte la France - sont équipées pour exercer cette activité de manière sécurisée.
Par sa formation, sa connaissance, sa proximité avec les patients et notamment avec les patients âgés, le pharmacien joue un rôle clef en délivrant des piluliers individuels pour les patients en EHPAD.
Cependant, si sa place est inscrite dans l'organisation du circuit du médicament, le cadre de son activité reste flou et son double rôle de dispensateur et organisateur du circuit du médicament mérite d'être précisé.
Alors qu'un rapport a été remis à la Ministre de la Santé, Marisol Touraine en décembre 2013 sur « La politique du médicament en EHPAD », la publication de décrets et d'arrêtés ministériels est attendue depuis deux ans afin de sécuriser le circuit du médicament.
Ce livre blanc tente d'apporter des solutions pour assurer une sécurisation du circuit du médicament et permettre une dispensation efficace et validée pour les personnes âgées en institutions.
Le circuit du médicament doit suivre le fil conducteur des 5 B : « le Bon médicament, à la Bonne dose, par la Bonne voie d'administration, au Bon moment, au Bon Patient ».
Les auteurs du livre blanc entendent contribuer ainsi à proposer des solutions pour encadrer la PDA et tenter de remédier au risque sanitaire majeur que constitue la iatrogénie et à ses conséquences économiques pour l'assurance maladie.
Sous la direction de Jean-Luc Fournival, Président de l'UNPF, une réflexion approfondie a été menée sur le sujet depuis 2012 avec la participation de Jean-Michel Mrozovski, pharmacien.
Le patient âgé, le médicament et le risque iatrogène, le patient en ehpad, la dispensation en EHPAD, les critères de qualité d'une PDA et l'analyse économique de la PDA en EHPAD ont été au centre des recherches.
Ce vaste travail de réflexion a levé le voile sur un état des lieux préoccupant du circuit du médicament.
Rappels
L’UNPF émet quatre recommandation visant à sécuriser le patient en clarifiant la traçabilité du médicament depuis sa préparation jusqu'à son administration dans les EHPAD.
Recommandation n° 1 :
Sécuriser le patient en créant un protocole homogène pour la PDA.
L’UNPF réclame une meilleure conservation des données : photo systématique du médicament et de la boîte, comparaison avec l’ordonnance, archivage des photos et transmission à l’EHPAD... des mesures concrètes pour une traçabilité irréprochable et la mise en place d’un process de qualité dans la préparation des doses à administrer.
L’UNPF demande également que la sous-traitance actuellement pratiquée de facto fasse l’objet d’un cadre règlementaire précis et puisse s’exercer dans des locaux distincts, non ouverts au public, agréés par l’ARS et attachés à la licence de la pharmacie.
Recommandation n°2 :
Reconnaître au pharmacien un double rôle : à la fois dispensateur et organisateur du circuit du médicament en EHPAD.
Les deux fonctions doivent être exercées par la même personne afin que celle-ci puisse donner le bon médicament, à la bonne dose, sous la bonne forme à la bonne personne.
Par conséquent, l’UNPF demande à Madame Marisol Touraine, Ministre de tutelle, de définir les rôles et les critères de réalisation des actions de dispensateur et d’organisateur du circuit du médicament.
Recommandation n°3 :
Rétribuer le pharmacien pour son implication dans la PDA.
Actuellement l’administration des médicaments est assurée par les infirmiers en EHPAD.
Dès lors que le pharmacien prend en charge cet acte, les auteurs du livre blanc demandent qu’une rétribution soit prévue pour cette nouvelle responsabilité dûment encadrée.
Elle serait calculée sur un forfait comprenant les actes de dispensation et les actes liés à l’organisation du circuit du médicament.
Recommandation n°4 :
Proposer aux pharmaciens un plan de formation spécifique pour pratiquer la PDA.
La complexité de la mise en oeuvre de la PDA dans des conditions maîtrisées et sécurisées nécessite l’acquisition d’expertises spécifiques dans différents domaines : les auteurs du livre blanc recommandent la définition et la mise en pratique de plan de formation validé et opposable pour tout pharmacien d’officine cherchant à pratiquer une PDA raisonnée et sécurisée.
Les propositions de l’UNPF pour encadrer la PDA devraient permettre :
Essentiel 1 : Le patient âgé, le médicament, le risque iatrogène
Les personnes âgées (+75 ans ou 65 ans et polypathologique) consomment 40% des médicaments. Les + de 65 ans consomment en moyenne 3,9 médicaments par jour. Ce chiffre s’élève à 4,4 pour les + de 80 ans.
Or, le risque iatrogène augmente d’autant plus que les traitements médicamenteux sont importants et complexes. La non-observance s’explique par des facteurs spécifiques aux personnes âgées (modifications pharmacocinétique des médicaments, capacité physique et psychique des malades à prendre leur traitement) qu’il convient de prendre en compte pour assurer la sécurité des patients.
Les coûts humain et économique liés à la iatrogénie sont très élevés en France (10% des hospitalisations chez les + de 65 ans et 20% chez les + de 80 ans). La réduction du risque iatrogène en EHPAD est un élément clé pour garantir la sécurité des patients âgés et optimiser les coûts pour la société.
Essentiel 2 : Le patient en EHPAD
Le profil des patients en EHPAD montre qu’il s’agit de personnes âgées, en perte d’autonomie et polymédicamentées.
La perte d’autonomie s’accompagne très souvent d’un changement de comportement et d’humeur qui explique un recours important aux médicaments psychotropes.
L’acceptation et la compréhension du traitement diminuent avec l’âge.
La sur-prescription, la polymédication et les prescriptions inappropriées sont des constantes observées dans les EHPAD (plus de 5 médicaments par jour).
Or, le patient âgé est plus sensible aux effets indésirables et au risque iatrogène que les autres patients.
Essentiel 3 : Dispensation en EHPAD
Le constat effectué révèle une hétérogénéité des pratiques liées à la dispensation selon les EHPAD.
Dans la majorité des cas, la PDA est encore effectuée par les infirmiers alors que l’Allemagne, l’Australie ou l’Ecosse le déconseillent formellement.
Enfin, les EHPAD ne disposent que trop rarement de dotation de médicaments d’urgence qui permettrait d’éviter les hospitalisations.
L’utilisation des nouvelles technologies, la double vérification et le contrôle à toutes les étapes du circuit du médicament permettraient de réduire considérablement les erreurs.
La valeur ajoutée du pharmacien en EHPAD garantit une délivrance réalisée selon les bonnes pratiques, un contrôle pharmaceutique et un système de gestion de l’information à chaque étape de l’administration.
Le pharmacien a un double rôle, à la fois en tant de dispensateur du médicament et en tant qu’organisateur du circuit au sein de l’EHPAD. Il vérifie que les prescriptions sont adaptées, il analyse le risque iatrogène et le risque de mésusage et rationnalise le circuit du médicament.
Essentiel 4 : Critères de qualité de la PDA
La PDA automatisée, associée à un protocole de vérification physique et automatisé (flashage) permet de réduire le taux de non-conformité des doses préparées de 15% à 2‰.
La PDA repose sur l’expertise du pharmacien qui établit un plan de prise des médicaments conforme aux prescriptions, qui s’assure de leur adéquation avec l’état du patient et des éventuelles interactions médicamenteuses.
Le pharmacien est responsable de la fabrication de la PDA en elle-même, du contrôle du produit fini, du respect de la qualité et de la traçabilité tout au long de la fabrication. Cette étape nécessite de mettre en place des procédures de fabrication rigoureuses afin d’assurer la sécurisation du circuit du médicament et du patient. Des investissements importants sont nécessaires pour garantir des locaux adaptés et dédiés à la PDA, un personnel formé, des critères précis relatifs au déconditionnement automatisé des médicaments...
Le pharmacien doit transmettre les informations adéquates (plan de prise) au personnel infirmier pour une administration sécurisée et contrôlable. Il doit également recueillir tout incident de prise signalé ou changement inopiné de traitement (décidé par le médecin traitant).
Essentiel 5 : Analyse économique de la PDA
La PDA effectuée par des pharmaciens engendre des économies pour les EHPAD car elle limite le risque d’excédent de délivrance des médicaments (économie estimée à 42,5 millions €) et permet d’optimiser le temps infirmier.
La création d’un stock de médicaments de fond et d’urgence permettra de réduire les hospitalisations.
La PDA permet enfin d’augmenter l’utilisation des génériques et de réduire les coûts de facturation de médicament.
Les rédacteurs du livre blanc recommandent de définir des forfaits journaliers par patient, prenant en compte les frais de fabrication de la PDA et l’acte intellectuel attaché.
Le pharmacien doit donc percevoir deux honoraires distincts, liés à sa mission d’organisateur du circuit du médicament et à sa mission traditionnelle de dispensateur et producteur.
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