Selon les projections démographiques, la proportion de personnes âgées de + de 65 ans devrait atteindre près de 30% à partir de 2050. En raison de leurs multiples comorbidités, elles sont considérées parmi les patients les plus vulnérables, induisant des séjours plus longs aux urgences ainsi qu'un risque accru d'hospitalisation et de réadmission.
Face à la crise des urgences (selon la DREES, 8% des services d'urgences ont dû fermer temporairement en raison d'une pénurie de personnel, tandis que 19% faisaient face à un manque de médecins pour compléter les plannings) et à l'augmentation des admissions de personnes âgées dans les services d'urgence, la présence d'un gériatre dédié devient une nécessité impérieuse. Une étude menée par le Dr Élodie Reynier au Centre Hospitalier de Martigues, sur deux séries de 200 patients, âgés de 75 ans et admis en journée aux urgences et sur deux périodes, avant 2019 et après la mise en place des équipes gériatriques, en 2022, montre les bénéfices significatifs de cette approche pour améliorer la prise en charge des patients de plus de 75 ans.
Le Dr Élodie Reynier présentera ses résultats aux prochaines Journées Annuelles de la SFGG qui se dérouleront du 25 au 27 novembre.
L'Équipe de Coordination Gériatrique d'Urgences (ECGU) du centre Hospitalier de Martigues est une équipe soignante qui a vu le jour en avril 2021, dans le cadre du « zéro passage aux urgences » pour les patients de plus de 75 ans, ainsi que le stipulait la Mesure 5 du Pacte de refondation des urgences, initié par le Ministère de la Santé. Elle est composée d'un Médecin Gériatre, 3 Infirmières Gériatriques d'Urgences (IGU), 1 Assistante Sociale et 1 Secrétaire. Elle est la première équipe gériatrique de la Région Sud à avoir un médecin gériatre posté aux urgences.
Son fonctionnement est le suivant : la sélection des patients, pris en charge par l'ECGU, est faite soit par les urgentistes qui contactent l'équipe, soit directement par les IGU qui vont voir les patients admis à l'accueil des urgences et qui, ensuite, font la transmission au gériatre, ou bien par le gériatre lui-même.
Le but de cette prise en charge au sein des urgences est de :
Associé à cela, le gériatre de l'ECGU a également développé, sur un créneau d'une demi-journée par semaine, des consultations de gériatrie d'urgence ainsi qu'une HOTLINE afin de prévenir certains passages aux urgences en prenant connaissance d'une situation clinique ou sociale complexe.
Les personnes âgées représentent environ 15% des passages annuels, aux urgences, dans la Région Sud. Ces patients font partie des plus fragiles et leur prise en charge nécessite de prendre en compte l'aspect somatique, psychologique et social.
Après une analyse comparative et multivariée du recours à l’ECGU, on observe :
On peut donc en conclure que la présence d’un gériatre aux urgences permet d’apporter une plus-value dans le parcours de soin du patient âgé de plus de 75 ans grâce à une prise en charge spécifique.
“En améliorant l'adéquation entre les motifs d'hospitalisation et les services de prise en charge des patients âgés, cette initiative permet de valoriser les services de l’hôpital”et d'optimiser l'utilisation des lits, tout en réduisant les hospitalisations et les réadmissions pour une meilleure fluidité de l'activité hospitalière rentrant également dans l’aspect économique. Le Médecin Gériatre peut également initier des parcours de soins ambulatoires ou des transferts directs vers des structures adaptées, évitant ainsi des hospitalisations inutiles et leurs conséquences néfastes notamment la dépendance iatrogène avec le syndrome d’immobilisation, la confusion aiguë la dénutrition, les chutes, l’incontinence urinaire et les effets indésirables des médicaments” analyse le Dr Élodie Reynier.
Pour information, actuellement et selon le rapport de la DREES, “Urgences hospitalières en 2023”, “la présence d’un gériatre aux urgences est rare : en dehors des urgences pédiatriques, 5 % des points d’accueil en comptent au moins un (4 % des points d’accueil des urgences générales et 10 % des points d’accueil adultes). Il n’y en a quasiment jamais dans les points d’accueil recevant 80 patients ou moins par 24 heures, et 13 % des points d’accueil ayant reçu plus de 120 patients en comptent au moins un”.
Le modèle traditionnel de soins en urgence, principalement orienté vers une évaluation diagnostique rapide, n'est pas adapté aux besoins spécifiques des personnes âgées. Pourtant, aujourd’hui, seuls 5% des points d'accueil des urgences disposent d'un gériatre (comme le Département de Médecine d’Urgence de la Personne âgée à Limoges, la Cellule d’Urgence de la Personne Âgée à Lyon etc…) qui engendre des retours très satisfaisants tant sur l’organisation que sur la satisfaction des équipes médicales et des patients eux-mêmes.
Face aux résultats positifs observés au Centre Hospitalier de Martigues et aux retours d’expériences des professionnels (voir ci-dessous l'interview de Catherine Fernandez), il est impératif de généraliser la présence de gériatres aux urgences à l'échelle nationale. Cela permettrait d'améliorer significativement :
Le besoin de renforts spécialisés pour faire face à l'afflux croissant de patients âgés est urgent. La mise en place de ce dispositif doit être accompagnée d'une formation spécifique pour les équipes d'urgence et d'un soutien renforcé aux structures gériatriques. Le développement de ce modèle pourrait également inclure la création d'urgences spécialisées pour les personnes âgées, afin de mieux répondre à leurs besoins complexes et d'améliorer leur parcours de soins global.
"Notre mission implique une visite régulière aux urgences, parfois quotidiennement, pour soutenir les urgentistes dans l'orientation des patients gériatriques complexes. Le rôle des infirmières gériatriques d'urgence fixe est fondamental car elles peuvent expertiser les patients avant leur retour à domicile, faire de la prévention auprès d'eux, sachant qu'1 patient sur 5 revient aux urgences dans le mois suivant de manière non programmée.
L'objectif est de limiter ces retours non planifiés en intégrant les patients dans un parcours de soins rassurant".
"Ces infirmières sont plus à même d'anticiper les décompensations rapides, inscrites dans une fragilité médicosociale que les urgentistes, souvent débordés, qui n'ont pas le
temps d'identifier en profondeur".
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