La FHF dresse une synthèse de deux mois de négociations intenses durant le Ségur de la Santé

Le Ségur ouvre les perspectives d’un « new deal » pour la sante

Publié le 10 juillet 2020

Après deux mois d'intenses négociations, le Ministre de la Santé a clos ce jour le Ségur de la Santé qui visait à dessiner le cadre du « plan massif » en faveur de l'hôpital promis par le Président de la République. Pour la Fédération Hospitalière de France, ce Ségur représente une avancée majeure sur le pilier Ressources humaines et prometteuse sur le pilier « finances », à condition que le montant de l'investissement, non communiqué à ce jour en dehors de la reprise de la dette, soit significatif. Sur le volet simplification d'une part et territorialisation d'autre part, peu d'éléments précis ont été donnés lors de ce comité de clôture et la FHF attend de nouvelles annonces.

« Après des années de coupes budgétaires, la succession des rapports et la crise du Covid, le Ségur doit déboucher sur des mesures fortes et concrètes pour le système de santé. Il s'agit d'une question vitale pour l'hôpital et pour notre société. Le pilier ressources humaines contient des avancées importantes. Nous attendons maintenant les annonces de la semaine prochaine sur les autres piliers » a déclaré Frédéric Valletoux au Ministre de la Santé lors de la séance de clôture du Ségur.

Les conclusions de ce Ségur se sont concentrées essentiellement sur le pilier RH, avec notamment deux protocoles, l'un sur le personnel médical, l'autre sur le personnel non médical.

Le ministre a indiqué que des annonces plus larges seraient faites la semaine prochaine. La FHF attend de nouvelles annonces sur le niveau d'investissement financier ainsi que des réponses apportées aux enjeux de simplification et de territorialisation qui, à ce jour, ne permettent pas d'envisager la profonde transformation dont notre système de santé a besoin.

SUR LE PILIER RESSOURCES HUMAINES

La FHF salue le travail conduit avec les partenaires sociaux et l'équipe Ségur, pilotée par Nicole Notat, qui ont permis d'aboutir à deux projets de protocole d'accord ambitieux

  • Protocole relatif au personnel non-médical :

Les 7,6 milliards d'euros dont 6 milliards d'euros pour le public représentent un effort très conséquent de la nation pour ses professionnels de santé, que la FHF tient à saluer. L'augmentation de 180 euros pour tous les professionnels soignants et non soignants des hôpitaux et EHPAD publics est une somme significative, en particulier pour les salaires modestes de nombreux professionnels. La refonte à venir des grilles paramédicales est un chantier majeur de revalorisation de ces métiers. A ce titre, les travaux prioritaires sur le passage des aides-soignants en catégorie B puis sur les corps infirmiers constituent une avancée qui accompagnera la montée en compétences de ces professionnels et envoie un signal fort dans un contexte de difficultés de recrutement.

Concernant l'enveloppe « indemnitaire », la FHF aurait souhaité qu'elle soit plus importante pour valoriser l'engagement quotidien des équipes dans la mise en œuvres de projets. Il ne faudra pas oublier, sans doute via la nouvelle prime de service, la reconnaissance des cadres et responsables d'équipe de proximité (paramédicaux, techniques, logistiques), qui jouent un rôle clé dans le bon fonctionnement des services et la cohésion des équipes.

  • Sur le personnel médical :

La revalorisation de l'indemnité d'engagement de service public exclusif autour d'un taux unique à 1010€, est une mesure importante, en particulier pour les jeunes praticiens. La création de 3 échelons en fin de grille est une mesure complémentaire et indispensable à la fusion des trois premiers échelons, qui permet de donner des perspectives pour la fin de la carrière. En revanche, la FHF regrette que la revalorisation des gardes n'ait pas été retenue car la permanence des soins est bien une spécificité de l'hôpital public, ouvert à tous 7 jours sur 7, 24h sur 24. Le travail de nuit et de week-end est un facteur de pénibilité du travail, de fatigue, et constitue aussi un motif de départ de l'hôpital pour aller en ville ou en clinique.

Enfin, sur le volet ressources humaines médicales et non médicales, la FHF demande que figure explicitement et de manière écrite dans le protocole la garantie de financement de ces mesures.

SUR LE PILIER FINANCES

La FHF tient tout d'abord à saluer l'intégration des sujets du pilotage de l'ONDAM, de la pertinence, de la révision des nomenclatures et du financement de la recherche et de l'innovation. Sur le financement de la recherche et de l'innovation, il est indispensable que les crédits MERRI augmentent au moins au même rythme que l'ONDAM.

En ce qui concerne l'investissement, la première priorité est de restaurer les marges d'auto-financement des établissements publics de santé, largement entamées par les mécanismes de régulation de l'ONDAM des années antérieures. C'est pourquoi un financement sanctuarisé dédié à l'investissement doit être prévu et isolé dans un sous-objectif de l'ONDAM, afin de permettre un niveau d'investissement à hauteur d'un niveau plancher de 7% des recettes hospitalières. Ce qui induit la mobilisation de financements supplémentaires estimés à 2Mds€/an pour l'investissement des hôpitaux publics, là où la reprise de la dette ne permet une hausse que de 800 000 à 1 milliard d'euros.

Si la FHF salue la confirmation de la reprise de la dette ainsi que l'annonce d'un plan d'investissement pour le sanitaire et le médico-social, elle demeure très vigilante sur le montant de ce plan d'investissement complémentaire à la reprise de la dette : au moins 1 milliard par an, en plus de la reprise de la dette, est indispensable.

SUR LE PILIER SIMPLIFICATION

De façon générale, la FHF regrette que le pilier simplification, en se concentrant parfois trop sur la gouvernance hospitalière, n'ait pas suffisamment évoqué les sujets majeurs d'organisation du système des soins.

En effet, la FHF appelle à :

  • Une unification de la gouvernance nationale. Le cloisonnement sanitaire-médico-social-ville a montré ses limites en termes de parcours de soins et la FHF propose par exemple de fusionner la DGCS et la DGOS à l'horizon 2021 et de lancer une mission de préfiguration sur l'unification de la gouvernance du système de santé à l'horizon 2022.

  • Une révision, dans un souci d'opérationnalité et de dialogue avec les parties prenantes de la dimension départementale / territoriale des ARS. Ceci est encore plus vrai dans les « méga régions », qui rendent en réalité impossible une écoute fine des territoires lorsque le siège de l'Agence est à plusieurs centaines de kilomètres.

  • Une intégration des préconisations du rapport Claris sur la gouvernance hospitalière afin de simplifier et de médicaliser la gouvernance.

  • Garantir la compétence des ARS sur les ESMS car c'est un enjeu de cohérence sanitaire-médico-social et d'égalité entre territoires et entre personnes en perte d'autonomie. En effet, des discussions au sommet de l'Etat visent à transformer en profondeur la gouvernance du champ médico-social en la confiant aux conseils départementaux. Une telle décision serait une double faute politique : sur la forme, parce qu'elle aurait été prise dans le dos des acteurs du grand-âge ; sur le fond, parce qu'elle accroîtrait les inégalités déjà existantes entre les territoires (cf CP) .

  • La mise en œuvre de mesures de simplification en matière d'allégement du reporting, d'assouplissement du code des marchés publics et des procédures d'accréditation-certification.

SUR LE PILIER TERRITORIALISATION

La FHF est satisfaite que le Ségur demande le renforcement de l'échelle territoriale comme niveau pertinent de l'organisation de la coordination et de la gradation des soins.

La FHF rappelle quelques principes qui devront guider les prochaines annonces :

  • Il est essentiel de donner aux acteurs du territoire le pouvoir d'agir et d'organiser les besoins de santé et les filières de prise en charge via des projets territoriaux de santé (PTS) rendus obligatoires réunissant l'ensemble des acteurs. C'est dans ce cadre que la démocratie sanitaire pourra être renforcée, en redonnant une place aux usagers et aux élus au sein du conseil territorial de santé pour participer à l'élaboration du diagnostic territorial, base de la construction des PTS.

  • La régulation de l'offre de soins sur les territoires devra être simplifiée en ne sacrifiant rien aux obligations de sécurité, de qualité et d'égalité d'accès aux soins (territoriale, temporelle, financière), La FHF est ainsi attachée à ce que la simplification du régime des autorisations sanitaires continue d'assurer l'accessibilité, la pertinence, la transparence démocratique et la lisibilité de l'offre de soins.

  • La question des inégalités sociales de santé, et des inégalités d'accès aux soins, sera également fondamentale et devra être nettement approfondie, afin que tous puissent avoir accès à la santé, et puissent bénéficier de soins de qualité.

Enfin, la FHF rappelle l'importance de construire au niveau national et sur les territoires une véritable politique d'éducation à la santé et de prévention. La crise sanitaire du Covid invite à repenser la place de la prévention et à redonner toute son importance à ce qui n'est pas directement un soin curatif mais peut permettre de préserver et d'améliorer la santé globale de la population.